vendredi 22 septembre 2017

Mon campeur

Voici mon premier dessin de ce que je pensais devenir mon campeur. Quelques détails ont changé depuis. Le dessin du milieu: j'ai agrandi par-dessus les pneus et le garde-boue, donc un peu plus comme le campeur qu'on glisse dans la boîte d'un camion. Ce changement me donnera beaucoup plus d'espace pour le lit et le rangement. Vue de l'arrière: la porte sera plus à gauche. J'ai remarqué que tous les campeurs ont les connections pour l'eau, le gaz et les égouts à la gauche. Alors j'embarque dans le mouvement! Le réchaud, la douche et l'évier seront à gauche.
Here's my first drawing of my project. I have since changed a few things: looking from the back, it will be wider over the tires and the fernders to allow more space for the bed and storage, like a a slider for a pick-up truck. The door at the back will be on the left of the camper: I have noticed that on most campers sold, all the connections for the water, sewage and gas are on the right side so I will do the same.
 J'ai commencé par de nouvelles ailes et une nouvelle rampe à l'arrière de ma remorque de 5 par 10 pieds. Je prévois me servir de la rampe comme petit perron ou je pourrai m'asseoir pour relaxer après une dure journée à...ne rien faire!
My first steps were adding new fenders and a new gate to my 5 by 10 foot trailer. The gate will mostly serve as a sitting deck after a long day of ...almost nothing!
                                                      Vue arrière de la nouvelle rampe
Et le nouvel habillement! Le métal (qui était rouge) a reçu une nouvelle couche de Armour Coat antirouille. Une deuxième couche suivra dans les prochaines semaines. Pour ce qui est du bois, j'ai utilisé du cèdre que j'ai recouvert d'une couche d'émail. Là aussi, une deuxième couche suivra bientôt! ... peut-être une couche de caoutchouc liquide pour le plancher pour plus de durabilité.
The red metal has received the first coat of Armour Coat rust paint. The cedar boards are done with a black enamel paint. I will add the next coat in a couple of weeks...maybe a coat of liquid rubber on the floor for extra durability!
               J'ai commencé l'isolation avec les feuilles d'isolant rigides Pink Panther (R-5)
                                                       insérées entre des 2"x2".

Allons-y pour la base du campeur. Mon beau-frère Roger a suggéré des rouleaux de convoyeur pour le dessous du campeur, ce qui me permettrait de rouler le campeur plus facilement pendant la construction dans le garage ainsi que dans la remorque. Je n'ai pas de photos pour le moment mais je vais essayer d'expliquer le concept du mieux que je peux. J'ai pris deux madriers de 2 par 4 pouces par 8 pieds que j'ai installés en parallèle sur le sens de la longueur pour former deux lignes parralèles. J'avais dix rouleaux que j'ai distribués également sur la longueur des madriers. Avec ma perceuse, j'ai fait des trous dans les madriers pour y insérer les bouts de chaque rouleau. Les trous étaient percés pour permettre de placer les rouleaux pour qu'ils dépassent le dessous du madrier de 1\4 de pouce ce qui leur permettrait de rouler. Les trous étaient assez profonds pour retenir le bout du rouleau et lui permettre de rouler sans encombre mais pas trop pour que le rouleau frotte sur les madriers et l'empêche de rouler. Les rouleaux bien insérés dans les trous, il ne me restait plus qu'à visser les madriers pour former mes cadres. Il me restait ensuite à compléter la base du campeur avec des 2 par 4 et attacher tout ça à mes cadres avec les rouleaux. Une feuille de contre-plaqué de 3\4 de pouce vissée à la base. C'était réussi! J'arrivais à pousser ma base avec mon petit doigt!


To help move the camper, my brother-in-law suggested conveyor rollers installed under my base. So with two 2"x4" x8' lined in parallel lenghtwise on the floor, I drilled holes in the 2"x4" to insert the tips of the rollers. I planned it so there would be 1\4 of an inch of the rollers protruding to touch the floor and allow them to actually roll. This done, I screwed it all together to make a frame. The end result looks like a ladder, the rollers being like the steps. Another one of these "ladders" for the other side of the camper and I'm done for now! I used 2"x4" to complete the base of the camper and attach the two "ladders" with the rollers to the base, one on each side of the camper. Top it with a 3\4" plywood sheet! I can push my base with my baby finger!

Nous sommes déjà rendus à la fin du mois d'octobre! Quelques évènements malheureux survenus cet été ne m'ont pas permis d'avancer et de terminer mon campeur. Je me remets lentement à la tâche. Voici quelques photos de la structure montée avec des 2'' x 2''. 





Puisque je construis au fur et à mesure de mon inspiration, j'ai réalisé ces derniers jours que je devrais probablement ajouter une fenêtre à l'avant pour améliorer la circulation d'air à l'intérieur du campeur. Je travaillerai la-dessus pendant les prochaines semaines; je dois me rendre au Nouveau-Brunswick pour terminer les démarches légales suite au décès de ma mère. Je crois que Smokey gardera le fort pendant mon absence! 
Summer has gone so quickly; I haven't been able to finish my camper because of different circumstances. I realized that I will need a window at the front of the camper for better ventilation. I will do it when I'm back, probably in two weeks. Smokey will watch the fort while I'm gone to New Brunswick to finalize the papers for my Mom's death.




mercredi 19 mars 2014

La petite culotte rouge (fiction)

Balmoral, c’était mon village. Juché sur les hauts plateaux du comté de Restigouche, il trônait sur le royaume de la truite. À mes yeux, j’habitais la plus belle maison du village, modeste mais confortable! Mon père l’avait construite avec ses frères grâce à un emprunt de cinq cents dollars dans les années 50. Elle était recouverte de bardeaux de cèdre, comme la plupart des maisons des provinces maritimes. Nos ancêtres connaissaient les propriétés imputrescibles du cèdre et ils en recouvraient à peu près tous les bâtiments aux alentours. Et pour égayer le paysage, on décorait le tout avec des couleurs à rendre jalouses les divas de la décoration des temps modernes! Ma mère s’amusait à peinturer la maison à tous les quatre ou cinq ans. Et vous auriez dû voir les couleurs : rose saumon encadré de moulures vert forêt, bleu ciel adouci de moulures blanches, vert forêt épicé de moulures jaune serin! Puisque mon père travaillait au moulin à papier à Dalhousie, il ne pouvait pas vraiment aider à cette besogne. Et je ne crois pas que Maman s’attendait à ce qu’il l’aide. Elle se faisait un honneur de décorer sa maison à l’acadienne. Elle en ressentait un certain bonheur de savoir qu’elle avait la maison la plus colorée du village. C’était aussi la maison qui changeait de couleurs le plus souvent! Alors que la maison était la fierté de ma mère, l’auto était celle de mon père. Il la changeait presque à chaque année, sinon aux deux ans. Je crois que c’était la seule chose que mon père choisissait seul, du moins je le croyais! Un jour, il était revenu avec sa rutilante Comet 1966 rouge pompier avec toit blanc. Papa avait tout de suite appris que Maman détestait le rouge vif! La Comet rouge n’était restée chez nous que six mois! Et Maman avait fait partie du comité de sélection par la suite! Les autres autos étaient un peu plus ordinaires, sauf la Dodge Coronet 500 1969. Sa carrosserie, couleur d’un délicieux caramel était couronnée d’un toit noir. Comme j’étais fier d’être dans la voiture avec mon père lorsqu’il décollait pour l’essayer! Et lorsqu’il faisait crisser les pneus à 60 milles à l’heure en enfonçant l’accélérateur, je trépignais à l’idée que les autres garçons me verraient! J’étais le paon du village parce que mon père conduisait un bolide! Fervente catholique, Maman nous élevait selon les préceptes de l’église et malgré les efforts annuels du père Mélançon, aucun nouveau membre ne semblait à la veille de s’ajouter aux repas familiaux. Ses sept grossesses lui suffisaient amplement! Elle nous disait qu’elle avait assez d’enfants et que si elle en avait plus, elle risquait d’en oublier un quelque part! Et c’est bien ce qui est arrivé en ce dimanche après-midi de juillet 1962 où nous étions tous partis visiter mon oncle Israël à Dalhousie. C’était chez Denise, la pire de mes cousines! Pleine de boutons, pleurnicharde, j’avais décidé qu’elle avait un très mauvais caractère et une odeur qui ne l’aidait pas du tout. Et en plus, c’était une fille! Elle voulait toujours me montrer sa petite culotte, malgré mon manque d’intérêt! Ma mère m’avait souvent averti de faire attention aux petites filles. «Tu es rendu un grand garçon, maintenant.» qu’elle me disait. «Tu vas avoir beaucoup de boutons si tu joues avec ton corps.» Pourquoi me disait-elle ça maintenant? C’était un peu tard, non? Avec quoi allais-je pouvoir jouer maintenant? Et le père Mélançon qui en rajoutait! «As-tu des pensées malpropres? Est-ce que tu te touches le bas du corps le soir? Tu sais que tu peux devenir sourd si tu fais ces choses sales.» Je ne voulais pas devenir sourd… et avoir plein de boutons comme Denise! Alors je me méfiais d’elle et de son effet sur mon caleçon. Et de sa culotte! Rouge vif avec de beaux petits pois blancs, en ce doux dimanche après-midi de juillet. Caché derrière le buisson, je me disais que Maman n’aurait pas apprécié les couleurs de la culotte de Denise! Surtout lorsque Denise souleva sa robe pour me montrer qu’elle avait aussi de la dentelle, blanche comme ses pois autour de sa taille et de ses cuisses! Elle ne semblait pas avoir le même problème que moi avec mon caleçon. Ma mère et le curé m’avaient prévenu des dangers qui m’attendaient. Pour une fois, je ne risquais probablement pas grand-chose, sinon peut-être quelques boutons. D’autant plus que c’était loin d’être désagréable, cette délicieuse titillation! Ce fut à ce moment-là que je vis Masto, l’énorme chien danois de mon oncle Israël s’élancer vers moi à la vitesse de l’éclair. On venait de le laisser sortir du caveau où on l’enfermait quand il y avait de la visite. J’avais instantanément oublié la culotte de Denise. Voulant sauver ma culotte de la géhenne de ces crocs acérés, je m’étais mis à grimper la clôture! J’étais poursuivi par les crocs de Satan! Il y avait connivence entre Maman, le père Mélançon et Masto. L’enfer du Père Mélançon me semblait bien doux à côté de ce qui attendait mon fessier si je tombais dans l’abysse de cette gueule dégoulinante de rage. J’avais préféré écouter Denise plutôt que mon ange gardien, le moment était maintenant venu de payer pour mes pensées impures. Des images épouvantables me bloquaient la vue : gueule de loup, lambeaux de chair rouge sang, boutons purulents, moi sourd comme un potte…l’enfer! Dans ma grande stupeur, je pensais entendre les voix de mon oncle Israël et de Maman! Il rappelait Masto et elle disait mon nom. Après avoir empilé les enfants dans la boîte à l’arrière de la camionnette, Papa et Maman avaient repris la direction de Balmoral. Ce n’est qu’en sortant de la ville que mon frère Claude s’était aperçu que j’étais absent. Mes parents m’avaient oublié dans la cour arrière de mon oncle Israël. Ils étaient revenus me sauver des crocs de Masto…et de la petite culotte rouge de Denise. La vie ne manquait pas de piquant et on ne s’ennuyait jamais dans mon petit village acadien, juché sur les hauts plateaux du comté de Restigouche.

mardi 5 février 2013

Chère Maman, il y a longtemps que je t’ai parlé. Depuis sept mois, en fait, lors de mon pèlerinage annuel au Nouveau-Brunswick. Comme à chaque été, je me rends à Dalhousie passer quelque jours avec Paulette et j’en profite pour aller te voir quelques fois. Pour te faire plaisir ou pour me calmer la conscience? Tu sais, parfois je me demande si ça vaut la peine d’aller te voir. Je ne dis pas ça pour être méchant ou sans-cœur. Je me pose souvent la question. Est-ce que tu me reconnais? Est-ce que la visite est pour toi ou pour moi? Chère Maman, il y a longtemps que tu m’as compris. Depuis plusieurs années déjà, je crois. Depuis le jour où je t’ai ramenée chez Paulette après les funérailles de Papa. Depuis que tu ne semblais plus comprendre ce qui se passait. Depuis que tu ne reconnaissais plus tes enfants. Depuis que tu me demandais si tu avais vraiment marié cet homme… Es-tu encore là Maman de mon enfance? Est-ce toi dans ce corps qui ne me répond plus? Toi qui m’a tant appris? qui m’a donné la vie? qui m’a appris à aimer la vie? Si je le pouvais Maman, je te dirais mes souvenirs pour que tu puisses te les approprier. Pour que tu puisses redevenir celle qui m’a appris à vivre. Comme par exemple… …pendant mon enfance et mon adolescence, j’avais hâte de partir de la maison familiale. Je trouvais ça plate de vivre à Balmoral. Pas grand-chose à faire sinon attendre que le temps passe. Nous ne pouvions pas recevoir d’amis pour jouer avec nous : tu avais assez de t’occuper de tes enfants sans avoir à t’occuper de ceux des autres. Tu ne tolérais pas que tes enfants restent dans la maison. Nous devions tous sortir et aller jouer dehors. Bien sûr nous arrivions à nous inventer des jeux avec toutes sortes d’objets trouvés par terre, des pierres, des bouts de bois, ce que nous appellerions aujourd’hui des cochonneries. Nous allions souvent derrière chez nos voisins, les Joncas pour jouer dans le sous-bois; il y avait une dump, un ancien petit dépotoir. Rien de vraiment sale ou dégoutant! Simplement des choses jetées dans le bord du bois par les voisins et nettoyées par des années de pluie et de neige. Un peu de rouille sur les morceaux de métal, quelques paires de vieilles godasses tordues et délavées et bien d’autres éléments de décorations sur lesquels Martha Stewart aurait surement levé son nez de diva de la bienséance mais qui suffisaient amplement à meubler notre résidence sous les arbres. J’aimais aussi aller à la mine. La côte derrière chez madame Joncas nous offrait l’endroit idéal pour glisser durant l’hiver. Mais l’été, c’était la mine! Au début du bosquet, notre rêve d’aventure nous avait transformé un amoncellement de pierres en grotte. Ou était-ce une caverne avec un monstre? Non, c’était sûrement une mine! Il y avait même un petit jeton de métal avec un numéro sur un arbre qui nous confirmait qu’un arpenteur était venu faire une exploration et avait confirmé nos soupçons en y apposant son sceau d’approbation. Quelle veine! Il ne nous manquait donc qu’un peu de temps et d’efforts pour découvrir notre trésor! Ce qui ne fut jamais fait, de toute façon.
Voici une photo de ton mariage, Maman. Chère Maman, il y a longtemps que tu m’as compris. Il y a tant de choses que je voudrais te dire. Je sais que tu en avais plein les bras avec sept enfants et tout ce que ça impliquait. Je ne t’en veux pas, Maman. Au contraire, ton insistance à nous envoyer jouer dehors nous a développé toute une imagination et une bonne dose de débrouillardise! Tu as su nous inculquer de solides valeurs qui me définissent aujourd’hui. Je suis fier d’être ton fils. Je voudrais aussi te rendre fière. Il t’est difficile maintenant de t’exprimer mais je me souviens du temps où tu regardais tes enfants avec cette étincelle de fierté dans les yeux. Oui, tu les avais bien élevés, tes enfants! Et tu avais le droit d’en être fière. Chère Maman, elle est loin notre dernière conversation. Loin le temps où tu me parlais de tes petites excursions quotidiennes dans les centres commerciaux pour vérifier les aubaines. Le temps où nous parlions des choses de la vie. Quand tu me racontais comme tu étais bien avec ton Momont! Quand tu me demandais régulièrement la date de ma prochaine visite à Dalhousie. Tout ça me manque terriblement aujourd’hui. J’ai envie de te parler, Maman. J’ai envie d’entendre que tu me comprends. Es-tu là, Maman?

lundi 31 décembre 2012

Jeune Papa

Voici de quoi avait l'air Valmont lorsque Yvette le vit pour la première fois à Balmoral. Elle venait d'arriver de Kedgewick pour travailler comme servante et lui travaillait chez monsieur Marcoux, qui habitait au coin de la route de Saint-Maure. Il lui est tout de suite tombé dans l'oeil. Faut croire que ce fut dans les deux sens!!
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dimanche 30 décembre 2012

Les funérailles de Papa

«C’est qui, celle-là? Elle m’appelle par mon p’tit nom et j’la connais pas. Et tout ce monde que je connais pas pantoute! Chus après rêver! Chus dans c’te grande maison avec plein de monde, toute des étrangers. Pis en plus, y’a des anglais! J’comprend pas. Coudon, ousse que j’chus? J’ai-tu hâte de m’réveiller? Pis ctelui-là! Y’arrête pas de me dire maman comme si on avait élevé les cochons ensemble! » «Toutes mes sympathies, Yvette.» «Mes sympathies! C’est donc de valeur! Tu vas être tout seule maintenant. Tes enfants vont surement s’occuper de toi. Surtout Paulette, est tout proche.» C’est ben de valeur. Il est parti si vite. Il paraît ben! Ils l’ont ben arrangé. Mes sympathies Yvette! Y’est ben mieux ousse qu’y est astheure. Tu vas voir que le bon Dieu va prendre soin de lui. Avec toutes les messes qu’il allait, il a surement une bonne place en haut!» Maman fait bien ça! On croirait qu’elle reconnaît tout ceux et celles qui lui offrent leurs souhaits et veulent lui offrir leur soutien. Elle leur sourit gentiment. De ce sourire poli engrammé depuis sa tendre enfance. Ce sourire vide de sens. Ce sourire qu’elle a appris à faire, parce qu’il le fallait, comme un rictus. Sa grand-mère avait dit qu’il fallait le faire, sa mère avait dit qu’il fallait le faire et elle-même l’avait répété toute sa vie. Parce que ça faisait poli! Qu’elle eue été d’accord avec ce que son interlocuteur disait ou non n’avait aucune espèce d’importance. Le sourire était nécessaire. Aujourd’hui, je ne suis pas sûr que Maman comprenne ce qui se passe. Son compagnon de vie depuis plus de soixante ans est décédé il y a deux jours. Celui qui s’occupait d’elle depuis si longtemps n’est plus. Celui qui réussissait à la protéger d’elle-même à ses propres dépens ne pourra plus tenir son rôle d’ange gardien. Et je ne sais pas si elle s’en rend compte! Son sourire est trop poli! Il est trop présent, physiquement, trop déconnecté de son affect. Comme une ride qui s’affiche et qu’on ne peut contrôler. Je pense que je vais amener Maman faire une petite promenade dans un chemin de bois pour lui changer les idées un peu. Après cet après-midi au salon funéraire, elle a besoin de retrouver un peu de calme. Un peu de tranquillité permettra peut-être de se remettre les idées en place. Les idées en place : quel sarcasme! Maman est en train de perdre contact avec la réalité et je joue avec les mots! J’ai moi aussi besoin de me remettre les idées en place, pas seulement Maman. Si les miracles existaient j’en voudrais un tout de suite pour Maman! La ramener dans sa petite vie paisible avec Papa. Dans leur petit train-train d’avant les dérapages de Maman. Au moment où il était encore agréable pour Papa d’être avec son Yvette! Au moment où Maman savait encore qu’elle était avec son Momon. De partir faire leur promenade en auto comme deux amoureux. D’aller refaire pour la nième fois leur «ronne de lait» pour vérifier les bonnes aubaines à Campbellton. Encore lui! J’étais-tu vraiment marié avec c’t’homme-là? Pis d’abord, j’ai eu des enfants avec lui? Ben voyons don! Qu’est-ce qu’on fait dans le bois? Pis si on voit un ours? Comme ça, j’étais vraiment marié avec lui. Pis y dit que j’ai eu sept enfants, tu parles d’une idée! Je dois lui parler un peu du décès de Papa. Elle ne se rend pas compte de ce qui se passe. Je dépose délicatement ma main sur la sienne. «Tu sais, Maman, nous étions au salon funéraire tantôt pour dire au revoir à Papa. Il était très malade et il est décédé. Tu comprends?» Quelques secondes de silence s’éternisent, puis elle me regarde, incrédule : «J’étais probablement marié avec c’t’homme-là parce que tout le monde le dit». «Oui Maman, et vous avez eu sept enfants ensemble. Évelyne 60 ans, Claude 59 ans, Maurice 58 ans, Paulette 57 ans, moi René 55 ans, Lena 54 et Bernard 53 ans.» Bon, c’est qui cte grosse femme-là? Cette grosse femme-là, c’est Paulette! Pauvre Paulette! Maman ne la reconnaissait plus! C’est elle qui l’hébergeait depuis quelques jours parce que Maman n’était plus capable de rester seule. Nous avions jugé, Paulette et moi que Maman ne pouvait plus être seule dans son appartement. Avant d’être hospitalisé, Papa m’avait confié qu’il la surveillait constamment car il ne pouvait plus lui faire confiance. Elle «oubliait un peu», disait-il. Elle le réveillait vers trois heures du matin pour qu’ils ne soient pas en retard pour le déjeuner. Papa ne disait rien. Elle se dépêchait de laver la vaisselle, il l’aidait à la ranger. Elle se hâtait pour s’habiller. Papa la surveillait d’un œil discret. Elle oubliait d’ajouter de l’eau dans le chaudron pour faire cuire des choses sur le poêle (comme faire bouillir des patates à sec!) ou laissait tout simplement des chaudrons vides sur le poêle. Il le faisait pour elle, sans lui dire. Elle laissait couler l’eau, il l’arrêtait. Il la surveillait jour et nuit depuis plusieurs mois, sans en avoir soufflé un mot à quiconque. Surtout pas à son Yvette chérie! Il ne voulait pas l’inquiéter et encore moins la contrarier! Pas à ses enfants qui auraient peut-être eu l’idée de les placer au foyer. Lui garder ce semblant d’autonomie le plus longtemps possible, se permettre à elle et à lui-même de vivre ensemble encore un petit bout de temps, c’est ça qu’il avait osé espérer. Voler un peu de temps à la maladie. Elle allait peut-être redevenir normale.

lundi 7 février 2011

Maria est décédée!

Mon ancienne voisine, ma vielle madame, Maria est décédée la semaine dernière. Un appel téléphonique nous a appris son décès vers 22h30 le mardi 1er février. Elle aurait eu 86 ans le 20 mars prochain. Maria est partie tranquillement, malgré la tempête de neige qui s'abattait sur la région.
Née en 1925 à Debrecen en Hongrie, Maria était la petite princesse de son papa. Juge de paix, il voulait s'assurer que sa cadette ne manquerait jamais de rien. Elle fut élévée comme une diva et en conserva l'air jusqu'en dernier. J'ai rencontré Maria il y a quelques années alors que je vivais en face de chez elle. Puisque nous n'avions pas de stationnement hors rue, je lui avais demandé la permission d'utiliser son entrée de cour pour installer mon Jeep et le laver. Je voulais aussi y faire quelques petites réparations. Il faisait très chaud—en juillet—et j'avais décidé de rester torse nu. Quelle ne fut ma surprise quelques mois plus tard lorsque j'appris qu'elle m'avait «admiré» pendant tout le temps où je travaillais dans son entrée!
En décembre de la même année, Maria fut victime d'un accident vasculaire cérébral. J'eus la chance d'être un des premiers arrivés après les ambulanciers. Elle était inquiète et avait besoin d'être réconfortée. Elle s'inquiétait de laisser sa maison sans surveillance; je m'empressai donc de la rassurer en lui promettant de m'en occuper. J'irais aussi la visiter à l'hôpital. Elle me serra la main avec un sourire.
Maria passa les trois mois suivants à l'Hôpital général à récupérer ce que son accident lui avait soutiré. Légère perte d'équilibre, côté gauche de tout son corps oedématié et un peu lent à réagir. Rien qui ne puisse être ramené à l'état original, croyait-on! Malgré ses efforts soutenus, Maria dû être transférée vers un centre de réadaptation pour augmenter ses chances de retrouver tout ses moyens d'avant son accident. Pendant les huit mois suivants, je me rendis la visiter deux fois par semaine à St.Peters. Elle en était toute contente. Lors d'une de nos discussions, elle me confia qu'elle m'aimait depuis la journée où elle m'avait vu laver mon Jeep chez elle. Je ne savais plus quoi dire, comment réagir! Maria avait 78 ans et j'en avais 50. Elle avait le même age que ma mère. Quelques secondes plus tard— qui me parurent plusieurs minutes—je réussit à reprendre mon souffle et à lui expliquer que je n'étais pas disponible. De plus, je l'aimais bien mais pas du tout comme elle. Je crois qu'elle avait compris. L'avait-elle accepté? C'était une toute autre question! À ma prochaine visite, quelques jours plus tard, l'infirmière m'apprit que Maria avait eu un petit malaise cardiaque après ma dernière visite. J'allais donc devoir la ménager à l'avenir.
Maria est partie, tout doucement. Tout discrètement comme elle a vécu.

dimanche 20 septembre 2009

Mes grenouilles

J’adore mon travail! Travailler avec de jeunes enfants me donne tant de satisfaction! Ce n’est pas vraiment difficile de partir de chez moi vers 7h00 à chaque matin de la semaine. Bon d’accord, parfois ça l’est! J’ai hâte de revoir mes petits mousses. Je les appelle mes grenouilles. Il y a quelques années, je m’étais dit qu’il serait intéressant de trouver un nom à mon groupe, un nom qu’ils feraient leur et qui leur donnerait ce sens d’appartenance que je voulais leur insuffler. Grenouille me semblait approprié. C’était mon clin d’œil moqueur à l’histoire (combien de fois m’avait-on appelé le «French Frog»!), personnage batracien souvent aimé des enfants: voilà! J’avais trouvé! Et les enfants embarquent! Dès le début de l’année, je les appelle mes grenouilles et ils y répondent. Toujours est-il que mes grenouilles sont mignonnes. Cette année, j’ai dix enfants de cinq ans au jardin et dix de 4 ans en maternelle (quelques-uns ont encore trois ans et demi). Ce sont presque des bébés! Et ils sont adorables! Ces petites créatures, ces petits humains! Je réalise que ces mots peuvent sembler péjoratifs! Ils me rappellent mon enfance. Tout enfant de mon époque (comme je me sens vieux!) était considéré comme une demi- personne sans aucun droit de cité. Il m’était impensable de participer à quelque conversation que ce soit entre adultes. Et ma mère me le rappelait sans ménagement! « Laisse parler le grand monde !» me disait-elle, si j’osais oublier le précepte. À l’occasion de soupers familiaux, il y avait la table des adultes et la table des enfants. Il y avait le souper avec les vrais plats, les vrais desserts! Il y avait le repas avec les assiettes à moitié remplies pour être certain qu’il y en avait assez pour les adultes. Et parfois les vrais desserts, en demi portions! Et il y avait souvent les desserts remplaçants comme le Jell-O rouge ou le pouding au pain. Ah oui, et le pouding au riz! Je dis Jell-O rouge parce que Maman mélangeait souvent les parfums. De ce qu’elle pouvait trouver dans la dépense dépendait le goût de ce que nous avions comme dessert. Elle mélangeait pour augmenter les quantités; elle avait tout de même à remplir neuf bouches, dont sept affamées qui avaient couru toute l’après-midi! Parfois, Maman augmentait les quantités pour nourrir plus de ventres mais parfois ses nouvelles quantités diluaient drôlement le goût! Comme par exemple, le lait en poudre! Le mot qui me vient à l’esprit instantanément est dégueulasse! Mais je ne le dirai pas. La quantité de poudre prescrite avec le double de l’eau suggérée! Imaginez la mixture! J’en ai encore des frissons de dégoût! Un autre souvenir de repas traditionnel : le bouillon de poulet. Et là, je vais préciser. Je ne parle pas d’un bouillon obtenu en faisant bouillir des os de poulet avec des légumes et à utiliser plus tard dans une recette. Non! Maman faisait bouillir un poulet ou parfois une poule (je dis bien bouillir!). Lorsque l’oiseau était bien cuit, elle y ajoutait légumes et ciboulette salée. De la famille des légumes, Maman ne semblait connaître que les carottes, le navet et les patates. Tout bouillait sur le feu (y compris la volaille déjà bien cuite) jusqu’à ce que les légumes soient bien cuits. Et tout était bien cuit! Et ça, c’était le dîner de presque tous les dimanches! Oh! J’allais oublier la poutine! Maman ajoutait une pâte plutôt collante : de la farine agglutinée dans l’eau froide et formant un genre de précurseur à cette glue populaire dans les films d’animation pour enfants d’aujourd’hui. Après avoir bouilli pendant environ vingt minutes dans le bouillon de poulet, la poutine devenait comestible. Je faisais toujours d’énormes efforts pour avaler mes bouchées et ne pas les croquer pour ne pas trop y goûter.
Autre mets qui me faisait lever le cœur et qui me répugne encore aujourd’hui, le foie! Peu importe de quelle bête il vient! Quelle idée saugrenue que de manger cette usine d’épuration! L’humain a de bien drôles d’idées parfois. Il se hisse sur un piédestal, au-dessus de toute créature et même parfois au-dessus de la nature elle-même. Et pourtant il commet de ces stupidités! Là encore, j’essayais d’avaler tout rond, avec le plus de sauce possible! Car j’adorais la sauce que Maman faisait pour napper le foie. Non seulement parce qu’elle me permettait de camoufler le goût, je l’aimais vraiment. Et je ne pouvais refuser de manger le foie, même si j’avais envie de vomir car je l’aurais eu au prochain repas, servi à la température ambiante jusqu’à ce que je le mange, peu importe pendant combien de temps. Pas question non plus de discuter et de parler de mes goûts! N’étant qu’un enfant, je n’avais aucun commentaire à faire.
Est-ce en réaction à ce sort ou est-ce grâce à une certaine évolution qu’aujourd’hui, je discute d’à peu près tout avec mes tout-petits? Peu importe le questionnement, je crois que l’enfant mérite une réponse. Sa curiosité peut ouvrir la porte à de merveilleuses discussions. Partons à l’aventure avec l’enfant; laissons-le exprimer ses opinions sur les sujets qui le passionnent. Pourquoi pas? Est-ce l’apanage de l’enseignant de savoir de quoi est fait le monde? Je suis loin d’être le seul à avoir toutes les réponses. Si je ne sais comment répondre, j’avouerai franchement mon ignorance tout en lui promettant de lui revenir le plus tôt possible.
J’ai découvert une perle dernièrement grâce à Michel Saint-Germain, professeur à l’Université d’Ottawa qui me suggérait le livre «Valeurs et sentiments des 2 à 5 ans» écrit par Michael Schleifer en collaboration avec Cynthia Martiny aux Presses de l’Université du Québec. Les auteurs démontrent la pertinence de parler de valeurs et de sentiments avec les enfants en bas age. Force oblige, ils nous donnent une série de définitions. Qu’est-ce qu’une valeur, une émotion, un sentiment? Qu’est-ce que l’honnêteté, la politesse, la sollicitude? Comment parler de séparation et de divorce, de maladie et d’attouchements? Que dire de Dieu, du Père Noël et de la Fée des dents? Ce fut, non pas une révélation, mais plutôt une confirmation de ce que j’aime vivre avec mes enfants. Je partage mes valeurs avec eux. Nous en discutons ouvertement. Et surtout pas en langage de bébé. Des mots simples, d’accord mais des mots «normaux». C’est ma façon de développer et de maintenir une relation de confiance avec mes grenouilles. C’est ma façon de leur démontrer comment je les respecte et les admire. Ils sont mon inspiration de tous les jours!